« L’art de gérer la cité, c’est aussi l’art de sortir par la grande porte… »
« Étudiez l’histoire des grandes nations modernes : vous y trouverez nombre de grands savants, de grands artistes, de grands soldats, de grands spécialistes en toute matière, – mais combien de grands hommes d’État ? » H. Bergson
Maintenant qu’il est clair dans la tête de tous les citoyens que Monsieur le Président Macky est à son dernier mandat, et qu’il ne s’aventurera guère à donner une oreille attentive aux délires de quelques partisans, que peut-il faire pour occuper définitivement une place honorable au banquet des grands hommes de ce pays ? En s’abstenant de déposer sa candidature à la future présidentielle, le Président Macky Sall marquera définitivement l’histoire de ce pays et ouvrira une ère nouvelle. Ne serait-ce que par cet acte, il se réconciliera avec beaucoup de sénégalais qui l’ont combattu depuis plusieurs années à cause de ses actes de mal gouvernance. Il y a de fortes chances d’ailleurs qu’en prenant souverainement une si sage décision, le Président fasse bénéficier à son « dauphin » caché, un transfert affectif qu’une machine électorale rodée saura traduire en intentions favorables. Mais ces considérations politiques ne nous intéressent pas ici, c’est l’état dans lequel Macky devrait laisser notre État et notre Nation qui nous intrigue.
La situation politique actuelle porte en elle les germes du mal que doit éradiquer Macky Sall pour la postérité : les reniements spéculaires, la transhumance dans tous les sens, l’escalade verbale, la surenchère communautariste etc. De plus en plus de Sénégalais font de la politique politicienne leur deuxième religion : la politique est clairement un business pour les paresseux qui n’ont jamais réussi quelque chose dans leur vie, les médiocres et les prétentieux. La preuve est qu’à chaque veille des élections, on constate que toute la mafia souterraine constituée de diplômés (pseudos intellectuels) désireux de changer de niveau de vie, des petits marabouts profitant de leur patronyme crédible, de journalistes politiciens déguisés, de tous les grands fonctionnaires de la haute administration avides de gains faciles et des déflatés du régime sortant, s’accoquinent dans des combines sur le dos des populations.
Monsieur Macky Sall, vous le savez, car vous l’avez vécu : vous connaissez nommément tous ceux qui se sont servi de votre aura et de votre présidence pour accéder indûment aux ressources du pays. Vous savez que beaucoup parmi ceux que vous avez nommés PCA, directeurs de société, administrateurs, etc. uniquement par leurs capacités à insulter, à invectiver ou à prédire l’insurrection, n’ont pas le profil pour améliorer le vécu des Sénégalais. La preuve est là : ceux parmi eux que vous avez démis de leur poste se sont immédiatement retournés contre vous pour jeter l’opprobre sur votre personne ! Monsieur le Président, libérez-vous et libérez notre Nation de ses sangsues professionnelles et, même si les Sénégalais ne vous donnent pas la reconnaissance que vous mériterez en le faisant, Dieu vous reconnaitra comme quelqu’un qui a pensé à la postérité.
Monsieur le Président, vous savez exactement ce qu’il faut faire, car ce n’est pour les beaux yeux d’Amadou Mactar Mbow que vous avez fait la commande au niveau de la CNRI. C’est le moment de rectifier le tir : débarrassez-vous des chaines que vous ont mises les partisans intéressés ; et engagez des réformes par voie parlementaire. Vous avez la preuve maintenant qu’ils ne vous apporteront rien, qu’ils ne peuvent pas vous donner un troisième mandat (dont vous ne voulez d’ailleurs pas). Vous pouvez, sans compter sur ces fainéants damnés pour de bon à rôder autour du pouvoir, permettre à votre successeur de se libérer de la pesanteur de la clientèle politique. Il vous suffira de vous rappeler les conclusions de la CNRI et quelques articles du Projet de Constitution notamment :
L’Article 9
« L’Administration publique est apolitique, neutre et impartiale. Elle est dédiée au service de l’intérêt général. Elle est placée sous le contrôle hiérarchique du Pouvoir exécutif et mise à la disposition des Pouvoirs législatif et judiciaire. Nul ne peut la détourner de ses missions à des fins personnelles ou partisanes.
Les agents publics sont soumis à la loi et à un code de conduite qui réglemente strictement les situations de conflits d’intérêt et d’incompatibilités, les activités politiques et celles à but lucratif autorisées et le traitement des informations en leur possession ».
L’Article 11
« L’égal accès aux emplois publics est garanti à tous. Les recrutements d’agents publics s’effectuent par des procédures publiques de concours ouverts et transparents à l’exception des membres des cabinets du Président de la République, du Premier Ministre, des ministres et du Président de l’Assemblée nationale dont le nombre est fixé par décret.
Les fonctions de direction de services nationaux sont pourvues, avant nomination officielle, par la désignation des postulants à partir des résultats de procédures internes transparentes et équitables.
Les fonctions de direction des organismes du secteur parapublic et des Autorités indépendantes sont pourvues, avant nomination officielle, par la désignation des postulants à partir des résultats d’un appel à candidature organisé conformément à la loi ».
Monsieur le Président, tout bilan est attaquable, parce que c’est une affaire d’humains et non de dieux : vous avez fait ce que vous avez pu, mais vous avez encore la possibilité de faire mieux, de rectifier certaines dérives flagrantes. Engagez sans délai la réforme de la justice et ce, non pas seulement parce que vos pairs politiciens la jugent en fonction de leurs intérêts, mais pour le Sénégal de demains avec ses énormes ressources énergétiques, son foncier plus que problématique, la problématique de la gestion des ressources halieutiques et hydriques, et donc ses conflits de plus en plus complexes. Sans une administration sage de la justice et la crédibilisation des agents censés rendre la justice au nom du peuple, notre pays pourrait dans quelques années glisser dans un sectarisme et une anarchie qui la rendraient ingouvernable.
Merleau-Ponty a dit :
« Le politique n’est jamais aux yeux d’autrui ce qu’il est à ses propres yeux, non seulement parce que les autres le jugent témérairement, mais encore parce qu’ils ne sont pas lui, et que ce qui est en lui erreur ou négligence peut être pour eux mal absolu, servitude ou mort. Acceptant, avec un rôle politique, une chance de gloire, il accepte aussi un risque d’infamie, l’une et l’autre « imméritées » ».
Vous ne pourrez donc jamais faire de sorte que les Sénégalais ne vous reprochent pas ce qu’ils ont reproché à Wade, Diouf et Senghor : vous ne serez jamais immaculé. Vous ne pouvez pas régner sur des hommes et faire de sorte que les errements de votre pouvoir ne soient pas dénoncés avec acharnement par ces derniers. La rançon de toute gloire, c’est l’infamie circonstancielle ou définitive. Circonstancielle, car les grandes réformes sont douloureuses, les grandes décisions font mal et sont mal comprises, mais la postérité se chargera d’écrire votre nom dans les annales de l’histoire. Définitive au cas où vous serez pris dans le confort de l’apathie orchestrée par des louangeurs qui ne sont en définitives que vulgaires rongeurs de patrimoine. Occupez-vous donc à aller vers l’essentiel : sauvez ce pays pendant qu’il est temps. Dégagez les charognards avant de dégager vous-même : c’est votre destin !
* Par Alassane K. KITANE