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« Sur la dissension à propos de l’apparition du nouveau croissant lunaire… » (Par Babacar Methiour Ndiaye

Voici le fameux Hadith très controversé, à l’origine des dissensions, devenues récurrentes, qui sont survenues aujourd’hui au sein de toute la Ummah en général, et celle du Sénégal en particulier, portant sur l’apparition du croissant lunaire comme devant valider en droit le début ou la fin du mois de Ramadan qui fixe le Jour de la Fête de la Rupture (Aïd-el Fîtr), voire du Pèlerinage qui détermine le Jour de la Fête du Sacrifice (Aïd-el-Adha).

Il est rapporté par un certain Qorayb – connu comme étant un serviteur personnel d’Abdallah Ibn Abbâs, en ces termes :

« J’ai été envoyé, par Oum Al-Fadel Bînt Al-Harith, auprès de Môawiya à Châm (Syrie). Dès mon arrivée en Syrie, je me suis (aussitôt) acquitté de ma commission de la part d’Oum Al-Fadhl. Par la suite, j’ai été témoin de l’apparition du début du croissant lunaire du mois de Ramadan, durant ce même séjour, une nuit du (jeudi au) vendredi. Après cela, à mon retour à Médine, vers la fin dudit mois, Abdallah Ibn Abbâs – qu’Allah soit satisfait de lui –, a pris des informations sur moi à propos du début de ce mois lunaire (de Ramadan) en me demandant : « Quand est-ce que vous avez aperçu (en Syrie) le début du croissant ? ». Je lui répondis : « Nous l’avons vue (la première fois) durant la nuit précédant le jour de vendredi ». Il m’a de même posé cette autre question : « L’as-tu vue personnellement ? » Je lui ai répondu : « Certes ! Et d’autres également l’ont vue et ont, sur ce, entamé le jeûne sur l’ordonnance de Môawiya ». Il (Ibn Abbâs) m’a dit alors : « Quant à nous (ici à Médine), nous l’avons vue seulement la nuit de veille du samedi et continuons en ce sens notre jeûne pour 30 jours, tant que nous n’aurons pas aperçu (au bout de 29 jours) le croissant lunaire (du mois suivant de Chawwāl) ». Enfin, répondant à ma question : « Tu ne te conformes donc pas à la constatation de l’apparition lunaire (du début de Ramadan) faite par Môawiya et de son (entame du mois de) jeûne? » Il m’a répondu : « Que non ! Nous faisons pour notre part exactement ce que le Messager d’Allah nous avait recommandé de faire ».

COMMENTAIRE DE CE HADITH :

Ce hadith intervient certainement au temps du Khalifat de Môawiya Ibn Abî Sofiane en Syrie, fondateur de la dynastie Omeyyade qui s’était fait proclamer Khalife des musulmans du vivant même d’Aly Ibn Abî Taleb qu’il avait alors combattu à Siffîne, vers 658-659, au moment du grand schisme survenu dans le monde musulman entre les sunnites, les chiites et les kharijites, et devenant ainsi son seul successeur à sa mort, survenue sur assassinat, lors d’un complot du parti Kharijite, en janvier 660.

L’interprète de ce hadith, ledit Ibn Abbâs, Abdallah de son prénom, issu de la tribu Quraychite des Banî Abdel Manâf, de la branche des Banî Hâchim, en qualité de fils de l’oncle paternel du Prophète (Abbâs), fut par ailleurs le cousin consanguin et en même temps gendre d’Aly – lui aussi de la commune Maison des Banî Hâchim et cousin germain du Prophète (SAW), en même temps que son gendre par sa fille Fátima -, pour qui il fut le fidèle partisan durant cette guerre civile et dont il avait aussi épousé la fille, Zeynâb Bînt Fátima ; Abdallah Ibn Abbâs se présente donc ici comme un adversaire politique et un opposant familial de Môawiya, devenu pour sa part le chef de la Maison rivale des Banî Umayyah, la branche aînée des Banî Abdel-Manâf, après l’assassinat du Khalife Uthman Ibn Âffân en 656, remplacé qu’il fut alors par Aly Ibn Abî Tâleb.

Môawiya, fils de Abu Sofiane et de Hînd, et beau-frère en outre du Prophète quant à lui, de par son épouse Oûm-Habibât (Ramlah), sœur germaine de Môawiya, ayant alors pour sa part réclamé, auprès du nouveau Khalife Aly, qui avait été dès lors investi comme Khalife par les meurtriers d’Uthman, le prix du sang versé de son cousin le Khalife Uthman (gendre lui tout aussi du Prophète et à double titre, issu pour sa part de la double lignée familiale des Banî Umayyah, par son père, et des Banî Hâchim, de par sa mère), ainsi que le jugement contre ses assassins en vain, se refusa dès lors de faire allégeance à Aly et de le reconnaître comme le nouveau Khalife légitime. Malgré les conseils de Abdallah Ibn Abbâs, demandant à son cousin de surseoir à son ultimatum contre la Syrie et d’user de diplomatie envers ses opposants, en patientant un peu sur la prestation de serment qu’il exigeait d’office de cette Province rebelle et de son Émir dissident, Aly déclencha la guerre contre Môawiya, installé à ce moment alors comme tout puissant Gouverneur militaire de Châm et longtemps en place depuis les premiers temps du Khalifat de son cousin Uthman qui lui avait confié cet Émirat à titre personnel.

L’ordonnancement du début du jeûne, décrété ici dans ce texte par Môawiya depuis sa capitale Damas, en Syrie, prouve qu’il ne dépendait plus à ce moment-là de Médine comme principal centre islamique de la Ummah et qu’il était devenu à ce titre son propre Khalife. Ce texte introduit ici toute la problématique du jour légal d’entame du jeûne de Ramadan (et de toutes les autres fêtes religieuses reposant sur les mois lunaires) et qui fait encore dissension, dans notre pays, au sein de la classe maraboutique, et de toute la société musulmane en général, quant au critère de validité à accorder au premier jour à partir duquel l’on pourrait légitimement fonder nos actes rituels consécutifs, en rapport à nos dévotions liées aux mois lunaires périodiques.

1. Explication du hadith :

Ce fameux hadith, dit Hadith de Qoraïb, porte plus fondamentalement sur un conflit juridique à propos de la date religieuse qu’on pourrait considérer comme valable pour le terme final du jeûne du mois de Ramadan au bout de 29 jours d’abstinence, suivant le décompte normal du mois lunaire ordonné par le Prophète (PSL). Il introduit ici un sérieux dilemme religieux sur le fait de devoir rompre ou non le mois de jeûne au bout de 29 jours. Il s’agirait, en termes plus clairs, ou bien de restreindre le mois de jeûne en s’en limitant à 29 jours, par mesure de sûreté, afin d’éviter ainsi d’y inclure le jour du doute (d’apparition du nouveau croissant ou non) qui est un jour non comptable de jeûne, aussi bien pour le début de Ramadan, comme aussi pour le début de Chawwāl coïncidant avec le Aïd-el Fîtr ou Aïd-el Seghîr, appelé communément chez nous Korité, qui est jour strictement interdit de jeûne ; ou bien alors de proroger le mois, par souci d’exactitude, en faisant le décompte global de 30 jours, en cas de non visibilité de la nouvelle lune. A la lecture de ce Hadith, nous remarquerons que deux phénomènes d’apparition du croissant lunaire sont ici en jeu : le début du croissant de Ramadan, établissant l’entame du mois de jeûne, et le début du croissant de Chawwāl, scellant la fin du jeûne en même temps que le jour de l’Aïd-el Fîtr. L’émissaire Qorayb, témoin, dès son arrivée en Syrie, de l’apparition du début du croissant de Ramadan, rentre à Médine vers la fin du mois courant du ce Ramadan et décide d’y rompre le jeûne au bout de 29 jours, à compter du premier jour de son apparition, survenue en Syrie au cours d’une nuit du jeudi au vendredi.

Ainsi donc, Qorayb, après son périple qui le conduisit en Syrie où il arrivait au mois de Cha’bbân et où le trouva le début du mois de Ramadan, une fois de retour à Médine où il arrivait juste avant la fin du mois courant de Ramadan, voulut pour sa part rompre son jeûne, se conformant ainsi à son décompte personnel de 29 jours, effectué depuis son séjour en Syrie où le début du croissant lunaire fut constaté et décrété par l’autorité officielle en la personne de Môawiya. Mais Abdallah Ibn Abbâs, après s’en être bien informé auprès de celui-ci, décide lui de ne pas se conformer à cette date d’entame, décrétée pour son apparition en Syrie ; puisque, après tout, les gens de Médine ne l’eurent aperçue qu’au lendemain seulement, à la suite de ceux de Damas (capitale de la Syrie), et donc comptent pour leur part le mois lunaire avec 1 jour de décalage. Ibn Abbâs décide donc de poursuivre ainsi ses jours d’abstinence pour le jeûne, déjà entamé 29 jours auparavant par ceux en Syrie, contrairement au voyageur Qorayb qui, témoin de l’apparition du croissant en Syrie, veut lui rompre le Ramadan, dès son retour, au terme des 29 jours de son décompte personnel effectué depuis l’entame de son jeûne en Syrie, même sans avoir aperçu au préalable, à Médine, le nouveau croissant de Chawwāl, voulant se conformer sans doute au Hadith du Prophète affirmant que le mois lunaire est de 29 jours et qu’il est strictement interdit de jeûner le jour du doute (de non certitude dans l’apparition ou non du nouveau croissant).

Dans ce hadith, le savant jurisconsulte Abdallah Ibn Abbâs va plus loin dans sa responsabilité et prend sur lui l’engagement personnel de devoir même jeûner 30 jours durant, et non 29, en cas de non apparition vérifiée de la nouvelle lune de Chawwāl à Médine même. Mais cependant, suivant son décompte personnel, Abdallah fait pour sa part, débuter le jeûne du mois lunaire, seulement au lendemain de l’apparition du nouveau croissant de Ramadan, constaté alors un jour plus tôt en Syrie et non encore à Médine, et cela bien qu’Ibn Abbâs, ait été bien mis au courant, par la suite, de cette apparition précédente survenue en Syrie, de la part de l’émissaire Qorayb. Il fait donc ici fi de l’information attestant l’apparition lunaire, un jour plus tôt, ailleurs que sous le ciel de Médine, décidant de jeûner ce même jour, qui est compté comme le trentième du mois pour Qorayb, mais qu’Ibn Abbas considère comme son vingt-neuvième. Il émet en intention la probabilité de devoir poursuivre même son jeûne le surlendemain encore, pour ainsi pouvoir accomplir 30 jours francs, en cas de non visibilité du croissant à Médine ; se fondant lui tout aussi sur un autre Hadith du Prophète qui préconise de décompter 30 jours, à partir du début du croissant courant, avant de pouvoir rompre le mois de jeûne, au cas où le nouveau croissant ne serait pas perceptible au bout de 29 jours. Ici, Abdallah Ibn Abbâs se refuse donc catégoriquement de se conformer au premier jour, qui avait été décrété alors par Môawiya et attesté alors sur constat de plusieurs témoins oculaires en Syrie même, comme pouvant être applicable pour lui et devoir compter pour le début du mois lunaire de Ramadan chez ceux de Médine.

Toutefois, ce hadith a été interprété différemment, dans une autre version qui nous est rapportée d’Abdallah Ibn Omar, fils d’Omar Ibn Al-Khatâb, nous disant ceci: « Le mois est de 29 jours. Ne jeûnez pas avant la vision de la nouvelle lune. Si elle vous est cachée, achevez (le mois de Cha’bban) en comptant 30 jours » (Cf Bukhari, chap 31, 928). Ce qui reviendrait à dire que le décalque pour le trentième jour ne s’appliquerait que pour le début du mois de Ramadan et non pour la fin de ce mois. Et donc que le décompte des 30 jours, n’est opérant, à la lecture de cette version, que sur le mois antérieur au Ramadan (Cha’bban), à défaut d’avoir pu apercevoir le nouveau croissant, et non point nécessairement applicable au mois courant de Ramadan qui devrait donc pouvoir se limiter aux 29 jours, en cas de retard notamment d’apparition du début du croissant. Mais dans notre hadith présenté plus haut et qui est appelé généralement par les experts du dogme musulman le « Hadith de Qoraïb », Ibn Abbâs soutient pour sa part que le décalque doit être opéré pour la fin même du mois de Ramadan, à partir de la date du début de son entame de jeûne. Pourquoi donc une telle controverse de la part d’Abdallah Ibn Abbâs, personnage reconnu de tous comme très pondéré, alors que Damas et Médine ne sont pas éloignées d’un espace horaire d’une journée et que Môawiya, en qualité de Khalife et Commandeur des croyants, fut une autorité suffisante pour en droit pouvoir certifier l’apparition lunaire à tous les musulmans de la Ummah ? Y aurait-il donc, dans cette volonté de non-conformité, de la part d’Ibn Abbâs depuis Médine, au décret pris par Môawiya en Syrie, une dissension consécutive à leur conflit politique antérieur, voire une interprétation religieuse subjective et tendancieuse du Hadith prophétique pour ainsi s’opposer à son autorité légitime comme Khalife ? Dans quelle mesure peut-on donc considérer l’interprétation de ce hadith qui nous en est ici faite par Ibn Abbâs, comme juste, objective et en tout conforme à la Sunna ? Il y va de l’intérêt de la Ummah, pour son intégrité tant soit peu, que de devoir procéder à un jugement critique de ce hadith, pour en taire sinon les dissidences futures, du moins en atténuer les discordes.

2. Discussion du hadith :

Voici comment se présente, quant au fond, la problématique dans cette opposition juridique autour du début du mois lunaire, pouvant fonder en droit légitime l’entame et la fin du Ramadan, et dont les conséquences du conflit s’en ressentent encore aujourd’hui au sein de toute la Ummah islamique. Le début du mois sacré est-il en droit absolu conditionné par le début de l’apparition du croissant lunaire, dès l’instant effectif où il pointe planant dans l’espace de l’horizon au-dessus de nos têtes, même en n’étant pas visible à l’œil nu ? Ou plutôt n’est-ce pas en vertu de sa constatation de visu, dans la zone d’observation d’une communauté donnée, que prend de fait date et effet de conséquence le mois sacré dans tout son acte volontaire ?

Pour les traditionalistes, tout tenants de la thèse conservatrice, l’apparition du croissant lunaire, et par conséquent le début du mois, ne peut se fonder que sur l’observation effectuée à l’œil du croyant et cela dans un espace déterminé. De même que tout acte se mesure à son intention, c’est-à-dire à la pleine conscience du sujet dans la chose effectuée ; de même c’est par la pleine conscience de l’apparition attestée du croissant lunaire, à l’œil du croyant qui l’observe, que se mesurerait, pour lui, durant le mois sacré, la validité rituelle du début du jeûne dans son acte volontaire. Pour cette thèse présentée comme seule orthodoxe, c’est l’œil qui détermine le critère de validité de la lune dans sa nouvelle phase de croissance et le premier acte volontaire de jeûne dans toute son intentionnalité. Cette position se fonde sur ce hadith rapporté par plusieurs Compagnons, dont Abou Horaïra lui-même, ainsi que Abdallah Ibn Omar, deux références en la matière : « Jeûner si vous apercevez le nouveau croissant et rompez votre jeûne si vous l’apercevez de nouveau (celui du mois suivant) ; et si l’observance parfaite du croissant vous en est privée par la couverture nuageuse, décomptez alors 30 jours, à partir du mois précédant » (Cf Bukhari & Muslim). Voici ainsi, textuellement, le hadith évoqué et sur lequel se fonde bien Ibn Abbâs dans sa réplique apportée ici à Qorayb. Suivant cette logique, chaque communauté devrait pouvoir donc attester, à titre personnel, la date d’entame de son jeûne officiel, en même temps que celle de son terme légal, se fondant sur son observation oculaire stricte, confirmée par des témoins dignes de confiance, pour pouvoir apporter un quelconque crédit au début de jeûne du mois de Ramadan.

Pour les modernistes par contre, tenants quant à eux de la thèse adverse, celle qu’on pourrait considérer comme scientiste, l’effectivité du début du mois lunaire prend date à partir du moment où le croissant lunaire, au terme de son cycle autour de la terre, reçoit les premiers reflets du soleil sur sa courbe qui marque la fin d’un cycle de lunaison. Sur cette base, le cycle lunaire serait ainsi indépendant de toute détermination de l’œil humain, mais naîtrait et croîtrait en fonction du degré de luminosité capté sur son reflet tiré du soleil, et cela dès sa sortie de la conjonction dans l’alignement des planètes terre-lune-soleil. En ce sens, le cycle lunaire serait universel et deviendrait valable pour tous, à partir du moment où la lune obtiendrait ce premier reflet de clarté lumineuse lui provenant du soleil et de ce fait luire quelque part dans l’espace du ciel voilé d’ombre ; et donc par conséquent, dès qu’il peut de nuit éclairer quelque peu l’espace au-dessus de la Mecque, à un moment précis où sa lumière reflète son horizon d’un nouveau cycle lunaire. Ce début de lunaison intégrerait donc dans son mouvement cyclique tout l’espace géographique situé à l’ouest de cette nouvelle lune entamée depuis la Cité Sainte, du moment que le mouvement de la terre, en rotation dans le sens de l’Est, verrait la même lune planer par dessus, ayant survolé déjà toutes les zones situées à l’Ouest de la Mecque, quelques heures après, suivant leurs distances et leurs fuseaux horaires. Ainsi Dakar, située au Sud-Ouest de la Qîbla de Makkah, se placerait, approximativement, sous le ciel de la même orbite lunaire que la Mecque, quelques 3 heures après qu’elle soit apparue au Nord-Est, au-dessus du ciel de la Mecque et qui, en définitive, forment toutes deux, à quelques heures près, l’espace en mouvement d’un même ciel lunaire.

Mais, le principal problème cependant dans ce hadith, est ici plutôt dans le fait qu’Ibn Abbâs, résidant à Médine, refuse de se fonder sur la constatation de l’apparition lunaire, effectuée dans une zone située plus à l’Ouest, en Syrie, lieu où le croissant est en principe précédé, dans son apparition, d’abord à Médine où la nuit et le jour se succèdent avant de pouvoir ensuite manifester leurs cours un peu plus à l’Ouest, et donc plus tard en Syrie. Si le croissant peut dès lors être vu à Damas, en Syrie, au Nord-Ouest de Médine, c’est qu’il était alors certainement déjà entré en plein cours sous les hauteurs de Médine, où le jour et le mois sont censés devoir débuter avant de s’étendre un peu après en Syrie, mais seulement qu’il n’aurait pas pu être vu précédemment en ce lieu de manière manifeste. À moins que le premier croissant n’ait pris son premier éclairage lumineux lui provenant du soleil, au sortir de la pénombre, seulement à partir des hauteurs verticales de la Syrie, au moment où y tombait alors la nuit. Auquel cas le mois, à compter du début effectif du croissant lunaire, serait entamé d’abord en Syrie, et Médine, qui aurait raté ainsi cette première phase lunaire, devrait alors dans ce cas connaitre un jour de retard pour pouvoir être éclairée à son tour par la nouvelle lune qui a obtenu son premier éclat en Syrie. Ce recul ici de 24h pour l’entame effectif du nouveau mois lunaire serait donc la règle à chaque fois que la lune prendrait sa nouvelle croissance seulement à l’Ouest et condamnerait, dès lors, toutes les zones situées plus à l’Est de son début d’apparition à devoir attendre le mouvement complet de rotation de la terre, pour pouvoir voir à nouveau le croissant, lors du retour de la nuit à l’Est, devenu dans ce cas alors presque gros d’un jour.

Cependant, ce décalage d’un jour ne serait nullement effectif dans le cas des zones situées à l’Ouest de l’apparition du début du croissant, puisque le nouveau croissant une fois apparu à l’Est, le serait aussi infailliblement déjà auparavant à l’Ouest, à cause du mouvement universel de rotation de la terre en son sens vers l’Est, rencontrant la trajectoire de la lune en sens inverse en provenance de l’Ouest. Ainsi, en logique de conséquence, la nouvelle lune qui apparaîtrait une fois le soir au-dessus du ciel de Makkah le serait nécessairement et absolument quelques heures auparavant à Dakar, en ce ceci que Dakar, au moment de la progression fatidique de l’ombre de la nuit sur la surface de la terre, serait située, quelques heures après, sous la même orbite que le ciel de La Mecque et sous la même zone déjà parcourue par la lune, suivant les angles d’inclinaison de la trajectoire lunaire. Et donc que la nuit de Leylat-ul-Qadrî, survenue sous un soir de lune impaire à la Mecque, Cité où le saint Coran fut révélé durant la Nuit du Destin, le serait nécessairement sous le Ciel de Dakar, 3 heures après, du fait de la rotation de la terre, faisant planer d’Est en Ouest l’ombre voilée de la même nuit où la lune s’est manifestée auparavant, phénomène naturel du mouvement terrestre sous la même lune que beaucoup de musulmans ne comprennent pas bien. Ceci est d’autant plus vrai que si l’on priait un Jour du Vendredi Saint à la Mecque, l’on prierait alors en ce même jour de Vendredi, à Dakar, 3 heures après, et non point le lendemain… L’apparition du nouveau croissant dans les régions situées à l’Est engagerait donc ainsi toutes les zones situées plus à l’Ouest, en ce sens que celles-ci se placeraient toutes dans le mouvement de rotation du même jour et de la même nuit, et que la même lune apparue, sous l’espace de l’ombre voilée en provenance de l’Ouest, ne ferait que survoler dans sa trajectoire, en progressant dans son avancée vers l’ombre nocturne nocturne, toutes ces zones situées à l’Ouest qu’elle aurait parcourues en croisant en sens inverse le mouvement de rotation de la terre vers l’Est.

Cette loi nécessaire et universelle de l’apparition du nouveau croissant lunaire progressant vers l’Est serait donc valable et vérifiable partout dans son parcours à l’Ouest. Mais avec toutefois cette réserve que les zones situées par contre plus à l’Est, au moment de sa première apparition nocturne, ne seraient point engagées par cette nouvelle apparition du croissant lunaire, pour les zones situées elles plus à l’Ouest. Ceci parce que le mouvement lunaire se faisant d’Ouest en Est, inversement au sens de la rotation universelle de la terre vers l’Ouest, les zones situées plus à l’Est de sa première apparition s’en écarterait progressivement, du fait du mouvement de rotation nocturne faisant retarder l’apparition du croissant lunaire en provenance de l’Ouest, pour devoir donc ainsi attendre, pour les régions situées plus à l’Est du phénomène de sa première apparition, la constatation du nouveau croissant lunaire, venant plus tard se manifester dans les régions de l’Est déjà sorties du soir avec le lever du soleil, seulement un jour après. Cette probabilité dans l’apparition tardive du croissant lunaire du coté Ouest, expliquerait donc le retard de son apparition, du côté des régions situées plus à l’Est, un jour suivant ; et donc qu’il soit de ce fait devenu plus visible, à ce moment où il s’est grossi d’un jour, qu’à sa première apparition à partir de l’Ouest, faisant ainsi dire au hadith du Prophète (SAW), rapporté d’Abdallah Ibn Abbâs que  » (…) Allah en a prolongé la durée d’apparition pour pouvoir en faciliter la vue (ailleurs) et que ce serait la lune de la même nuit d’apparition « . D’où certainement toute la prudence manifestée par Ibn Abbâs qui préconise ainsi de compter 30 jours, à Médine, pour le décompte total du mois lunaire de Ramadan, à défaut de pouvoir apercevoir le nouveau croissant de Chawwāl au bout de 29 jours ; puisque l’apparition du premier croissant lunaire de Ramadan n’ayant été visible en Syrie, à l’Ouest de Médine, qu’après que la nuit ait été entamée à Médine, l’on pouvait donc bien compter ce premier jour comme jour de doute, étant donné que la lune pouvait bien naître à Médine même, sans être cependant visible, comme elle pouvait tout aussi naître en Syrie quelques moments après.

Comprenons donc que le nouveau croissant lunaire est déterminé dans son apparition depuis l’horizon de l’Ouest en naviguant vers l’Est, et qu’il englobe dès lors, dans le mouvement de son nouveau cycle lunaire, toutes les zones situées dans sa direction Ouest, au moment de son apparition le soir sous le ciel commun de l’ombre nocturne ; que par conséquent l’entame des mois lunaires ne repose point sur des frontières politiques, délimitées artificiellement, mais plutôt sur des tranches de fuseaux horaires, suivant le mouvement cyclique de rotation de la terre en 24 h, joint au mouvement de rotation de la lune autour de la terre en son cycle complet de 29 jours + 12 h + 45 mn. C’est donc dans cette demi-journée supplémentaire, au terme de son cycle de 29 jours, qui fait que la lune puisse être aperçue plus tôt ou plus tard ici que là-bas, suivant aussi qu’elle soit apparue d’abord en son cours diurne ou bien nocturne, et qu’elle soit plus manifeste à l’œil ici et moins là-bas. C’est la non maîtrise de cette donnée scientifique dans les phases d’apparition lunaire qui a sans doute fait dire le Prophète Mohammad (SAW) à son époque que …  » Nous constituons une communauté mal instruite (ummât-l’ummîyu), ne sachant ni écrire ni calculer ; raison pour laquelle nous comptons le mois ainsi (29 jours) ou ainsi (30 jours) » (Cf. Bukhari, chap 31). Voila la raison pour laquelle il a été exigé pour notre Communauté d’aller rechercher la science jusqu’en Chine et qu’il était bien de bonne raison d’avoir fait dire cette vérité au Prophète que sa Communauté (Ummah) sera détruite par deux ordres de gens: le croyant ignorant et le savant athée.

CONCLUSION :

Pour nous résumer sur les difficultés éprouvées encore aujourd’hui par le monde islamique à pouvoir s’accorder sur le début exact d’un nouveau mois lunaire, voici comment se présente la problématique posée :

La nouvelle phase lunaire depend-t-elle de la visibilité de son apparition à l’oeil nu, donc des conditions objectives de son observation à un moment précis ? Ou plutôt du cycle de rotation universelle dans l’espace et le temps, indépendamment de son observation à l’oeil nu, c’est à dire de manière scientifique et non empirique ?

Deux thèses sont ainsi en présence :

1. L’apparition de la nouvelle lune doit être déterminée à l’oeil nu ; donc de manière contingente liée aux phénomènes de visibilité dans l’espace temps. Thèse qui repose sur les hadiths préconisant de jeûner dès qu’on aperçoit la nouvelle lune et de rompre dès qu’on aperçoit la prochaine lunaison.

2. L’apparition de la nouvelle lune se fonde sur un critère scientifique et objectif qui ne dépend pas des conditions de sa bonne observation à l’oeil nu, mais de la détermination scientifique d’une phase de lunaison à partir de son cycle de rotation fondé par 2 conjonctions successives séparées par une durée de 29 jours et demi. Thèse qui s’appuie sur les nouvelles possibilités de connaissance astronomique des musulmans, comparées à celles alors plutôt faibles au début de l’islam.

Nous pensons pour notre part que la conjonction (alignement terre, lune, soleil) doit être déterminée comme base universelle pour le point de départ et de clôture d’une rotation lunaire autour de la terre (29 jours, 12h et 45mn), pour fixer donc, par conséquent, le début d’une nouvelle phase lunaire. Ceci, considéré d’un point de vue strictement objectif et rationnel. Cependant que d’un autre point de vue, subjectif et contingent, la nouvelle phase lunaire dépendrait plutôt de sa visibilité à l’oeil nu et donc de la relativité empirique des phénomènes aléatoires dans les conditions atmosphériques de situations liées à l’espace-temps.

Les conditions nouvelles de connaissance scientifique de l’apparition universelle de la nouvelle lunaison devraient pousser aujourd’hui la Ummah à dépasser la vieille interprétation empirique du hadith sur la visibilité de la nouvelle lune pour déterminer de son nouveau cycle, compte tenu que les conditions de bonne connaissance astronomique d’une phase lunaire n’étaient pas encore réunies à l’époque et qu’il n’y avait pas de choix alternatif du calcul par rapport à l’observation empirique. À ce titre, le Prophète (SAW) disait que les musulmans, étant encore à l’époque une communauté inculte, comptaient le mois tantôt 29, tantôt 30 jours, à cause des difficultés d’observation à l’oeil nu en cas de couverture atmosphérique… Alors qu’aujourd’hui on peut bien prévoir, et cela longtemps à l’avance, la position exacte de la lune au moment d’une éclipse (solaire ou lunaire), dans l’espace déterminé et le temps precis de sa trajectoire.

Nous voulons seulement préciser ici que la conjonction, c’est à dire le phénomène d’alignement du soleil, de la terre et de la lune – cette dernière étant alors cachée du reflet solaire par l’ombre de la terre – , marque la fin d’un cycle lunaire complet et le début d’un nouveau cycle de rotation de la lune autour de la terre, quelques minutes seulement après sa sortie de la pénombre, sous l’ombre projetée derrière la terre par le soleil, au moment de prendre à nouveau sur elle les reflets de l’éclat de la lumière du soleil, dès sa sortie de cette zone d’ombre projetée sous la pénombre de la terre.

Les pays qui ont vu passer la nuit dans l’espace de leur orbite céleste, sans avoir pu aperçevoir la nouvelle lune, compteront donc un jour de retard pour leur premier mois lunaire, comme l’Indonésie ; contrairement à d’autres qui l’ont vue apparaître dans leur espace au moment de sa première rencontre avec l’ombre nocturne, comme l’Arabie saoudite qui nous précède de 3 heures… Le Sénégal devrait donc pouvoir se fier au croissant lunaire apparu en Arabie saoudite, sous son ciel géographique, puisque la même nuit va se prolonger jusqu’à Dakar, 3 heures plus tard…

L’Indonésie, pays situé en Extrême-Orient, n’a pas vu l’apparition du nouveau croissant de Chawwāl aujourd’hui et compte donc jeûner demain pour rompre leur mois de Ramadan ce Samedi ; cependant que l’Arabie saoudite, pays musulman situé plus à l’ouest de ce dernier, au Proche-Orient, a vu le nouveau croissant lunaire au crépuscule du jeudi 20 avril 2023 et compte, sur cette base factuelle, rompre leur mois de jeûne ce même soir… Le problème posé ici c’est que lorsque la nuit débute à l’Est, au moment où le coucher du soleil se situe à l’Ouest, la lune fait sa première apparition en provenance du côté Ouest où elle se lève… Tout dépend donc du lieu et moment de rencontre entre la lune naissante, venant de l’Ouest, et la nuit qui surgit en provenance de l’horizon à l’Est pour la géolocalisation du premier croissant visible…

On peut ici en conclure qu’en islam, l’apparition du nouveau croissant lunaire en plein jour, c’est à dire après le lever du soleil de ce jour d’apparition, marque la fin du mois lunaire à partir du jour prochain, à compter du coucher du soleil. Tandis que l’apparition du nouveau croissant en pleine nuit marque le début du mois lunaire à partir de cette même nuit qui détermine le jour par son lever du soleil. Ainsi, si la nouvelle phase lunaire débute durant la nuit, le jour suivant est inclus dans le nouveau mois ; tandis que si le nouveau croissant apparaît durant la journée, ce jour n’est pas comptabilisé dans le nouveau mois puisque son lever a précédé l’apparition du premier croissant du mois.

À titre indicatif et comme pour illustrer nos propos, j’aimerais partager ici un passage extrait du traité « Al-Muwatta », concernant le Jour de rupture du mois de Ramadan, document qui se présente comme le fondement du droit malikite inspiré de l’Imam Malick :

 » On a fait savoir à Malick (ibn Anas), qu’au temps de Uthman ibn Affan, le nouveau croissant lunaire a été vu à l’heure de la déclinaison du soleil (après-midi), Uthman ne rompit alors le jeûne que le soir, au coucher du soleil. « 

C’est à dire que le Khalife Uthman considéra ce jour d’apparition de la nouvelle lune, aperçue en fin d’après-midi, comme comptant pour le mois de Ramadan (koor), et considéra la journée suivante, à compter du coucher du soleil, comme l’entrée officielle dans le nouveau mois de Chawwâl (kori).

Le traité d’Al-Muwatta continue plus loin avec l’Imam Malick qui précise :  » (…) et celui qui voit le croissant de Chawwâl pendant le jour, ne doit pas rompre le jeûne (de la même journée) ; mais il doit plutôt continuer son jeûne jusqu’en fin de journée, car ce croissant (aperçu en fin d’après-midi) est celui de la nuit suivante (qui commence dès à partir du coucher du soleil). » Cf Al-Muwatta’ de l’Imam Malick, Livre du Jeûne (18), chap 1, adith 4. Et dire que certains commentate urs au Sénégal affirment aujourd’hui encore, avec certitude, qu’il est impossible de voir la nouvelle lune dans son apparition avant l’heure du coucher du soleil (maghrîb)…

En espérant que mes compatriotes musulmans sénégalais pourront se conformer à l’avenir sur l’apparition attestée ailleurs du nouveau croissant lunaire, chaque fois qu’il aura été certifié dans son apparition depuis sa manifestation à l’Est, au risque, d’un tel manquement, de devoir se tromper sur la détermination exacte de la sainte Nuit ciblée de Leylat-ul Qadrî, à travers une confusion dans la succession des nuits paires et impaires durant les 10 derniers jours du Ramadan ; voire encore sur le Jour saint de Yâwm’al-Adha, clôturant les 10 premiers jours sacrés du Mois de Zoûl-Hîjjä, sanctionné par la désacralisation du Pèlerinage à la Mecque et la compensation d’un sacrifice animal pour le musulman non pèlerin,

Bonne fin de Ramadan !

Par Babacar Methiour NDiaye

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